il fait froid. sirène frissonne déjà, alors qu’elle est là depuis peu. sous la clarté de la lune, son pelage roux scintille presque. son regard est perdu. ses prunelles dévorent l’océan infini. de l’eau reflétant le ciel étoilé, à perte de vue. mais plus loin, qu’est-ce qu’il y a ? qu’elle chuchote aux comètes. le bruit des vagues la sort de ses pensées. les rouleaux violents viennent se briser sur la falaise, et disparaissent en écume fantomatique. l’océan et la falaise, on aurait dit deux amants. ils s’embrassent, fusionnent, finalement se repoussent. sirène reste songeuse.

et puis il arrive, shell. elle s’avait qu’il viendrait, il vient souvent. shell aussi il aime bien la falaise, c’est pour ça. et puis, à cette heure-là, aucun guerrier n'traîne dans le coin pour lui rappeler les frontières. mais de toute façon, shell a tous les droits ici. c’est l’ami de sirène.
en quelques pas il est à ses côtés, agile comme une ombre. salut shell. qu’elle murmure. il y a un sourire sur l'visage de sirène. elle fourre son museau dans la fourrure beige de shell. elle aime bien son parfum, c’est doux mais humide, ça sent bon la nature. elle lève ses yeux verts vers les prunelles grises. c’est comme les cendres d’une flamme, éteinte depuis trop longtemps. sirène abandonne l’océan pour regarder son ami. elle le dévisage comme au premier jour, sans jamais s’en lasser. pourtant, shell, les gens le prennent pour un idiot. mais son âme est belle, sa sensibilité est juste différente. vous savez, les gens détestent les différences. ça leur fait peur. sirène, elle aime bien shell, elle le trouve courageux. ils se comprennent. pourtant ils parlent pas beaucoup. des fois, ils restent des heures immobiles dans le silence de la nuit, les yeux dans l'vague et l’âme dans l'vide. avec comme seul bruit leurs respirations à l’unisson. ils contemplent, écoutent, s’imprègnent, et ça leur suffit. c’est leur souffle de vie.

mais pas ce soir, sirène a besoin d'parler. elle ressent quelque chose. le spectacle de l’océan est différent cette nuit-là. elle le sait, elle le connait par cœur. shell, les vagues chantent plus fort, ce soir. qu’elle dit doucement, dans un souffle. mais il y a un peu d’inquiétude dans ses mots. comme une tâche d’encre dans sa voix de cristal.

(JE T'AIMEEEE. ♥♥)

la nuit vient de recouvrir tout le ciel de sa majestueuse toile sombre et scintillante. shell préfère la nuit, il se sent vraiment libre pendant cette période, hors de l'étouffement et des règles instaurées par le clan, il aime se balader sans que quelqu'un vienne lui sauter dessus pour infraction. et puis c'est calme la nuit, tout l'monde s'affaire à roupiller et lui il préfère sortir prendre du bon temps, se poser quelque part et pourquoi pas dormir à la belle étoile ? personne ne ferra attention à son départ de toute manière, il n'est qu'un fantôme inutile au clan.

shell décide d'aller dans le territoire du clan du volcan, aux falaises. il y rencontre souvent la chef du clan, étoile de la sirène, qu'il nomme tout bêtement "sirène" parce que c'est plus court, plus amical, plus beau. il aime sa manière de voir les choses, il adore rester près d'elle, partager la vision du monde. c'est sa meilleure amie. sa seule amie. celle qui voit comme lui la beauté du monde. alors qu'il marche en posant délicatement ses pattes sur le sol de peur de froisser la délicatesse des fleurs, il voit qu'elle est là et intérieurement il est heureux, heureux de se dire qu'encore une fois il ne sera pas seul cette nuit à contempler le ciel. il se rapproche d'elle en quelques instants et aussitôt elle le salue. « salut shell. » ça lui fait tout drôle d'entendre sa voix, ils parlent presque jamais. elle est belle sa voix. elle est belle sirène. « bonsoir sirène. » il dit ça timidement, mais ça va bien avec sa personnalité. entendre sa voix au creux de l'oreille de la nuit c'est beau, surtout si c'est sirène qui l'entend.

à la grande surprise du matou elle se rapproche de lui et vient fourrer sa tête dans son pelage. elle est chaude et douce, il s'enivre de son parfum chaud et qui sent un peu ces cailloux volcaniques. normal. puis ils se séparent. sirène regarde l'océan puis regarde shell. ça lui fait tout drôle d'être observé, tout le monde s'en fiche de lui ordinairement. il sourit. il ne sait pas trop ce qui se passe ensuite, car sirène brise le silence. « shell, les vagues chantent plus fort, ce soir. » malgré sa douce voix, il sent un peu d'inquiétude. à vrai dire elle avait raison, et lui aussi avait remarqué. il plongea son regard dans l'océan, comme pour justifier les paroles de la femelle même s'il avait une confiance aveugle en elle. il tendit l'oreille pour écouter le liquide chanter, il connaissait sa mélodie par cœur, mais ce soir elle semblait différente, presque détraquée, hurlante et suppliante. il poussa un faible soupir pour lui dire qu'il était d'accord mais formula ses pensées avec des mots. « elles chantent différemment tu as raison sirène. je ne sais pas si c'est une bonne chose. » il entre dans une grande réflexion de quelques secondes avant d'achever : « quelque chose arrive. l'océan nous prévient à sa façon. »