« A force de manipuler parfois, on se manipule nous même, et on se joue à nous même des tours sans le vouloir. A la fin, on ne sait même plus quels sentiments que l'on éprouve sont vrais et ceux qui sont faux. »

Une petite queue rose, terminant en pointe, semblable à un vert de terre, s'agitait derrière un rocher. Furtivement, à pas de loup, glissant comme un serpent dans l'ombre, je m'approchai du campagnol. Je bondis et l'achevai d'un coup de dent. Je le pris délicatement dans ma gueule et redescendis le long du volcan, et déposai le rongeur sur les deux autres petites bêtes que j'avais déjà tué. Soudain, un animal passa à toute allure devant moi. Queue touffue, longues oreilles... Un lapin ! Ils étaient si rares sur notre territoire que je ne pouvais rater cette occasion.

Sans hésiter, je me mis à poursuivre le lapin en hâte. Je le rattrapai rapidement, tandis qu'ils bondissait dans la plaine aride. Je courais à m'en bousiller les coussinets. Il était à peine à une longueur de queue de moi. Un bond et... Une branche me barra la route et je trébuchai dessus avant de pouvoir bondir et de l'éviter. J'étais maintenant le nez dans la poussière, la branche derrière moi, et ma patte me lançait. Je la regardai avec inquiétude. Elle était légèrement tordue, et commençait à enfler. Je me levai avec peine et pris la direction du camp en boitillant sur trois pattes. J'abandonnai bien évidement la course poursuite avec le lapin. J'étais incapable de courir.

Lorsque j'arrivai au camp, personne ne se préoccupa de moi. Je me dirigeai discrètement vers la tanière de notre guérisseur. Pelage Étoilé, un mâle. Tient tient, pour passer le temps, pourquoi ne pas jouer à mon petit jeu favori de séductrice. J'entrai dans l'antre du guérisseur sans même m'annoncer, et d'une voix pleine de douleur, je lançai, en bonne comédienne :

« Bonjour Pelage Étoilé. Je me suis tordu la patte en poursuivant un lapin... Pourrais-tu voir, s'il te plaît, si tu peux me soigner ? »

J'avais mis dans ma voix tout mon charme possible. J'en aurai besoin si je voulais le séduire, puisqu'il n'avait pas le droit d'aimer et qu'il résisterait sûrement à mon charme.

Dehors, le vent soufflait faiblement. Il faisait aussi beau que d'habitude, à la nouvelle saison. Je regardais le camp s'activer depuis ma tanière. Le soleil venait de se lever et Dignité du Condor organisait déjà les patrouilles de chasse et de frontières. Je vis quasiment tout le Clan se rassembler autour de lui puis se disperser. La patrouille de l'aube partit, suivie de deux ou trois guerriers qui voulaient sûrement prendre l'air, seuls. Je remarquai parmi eux Reine des Neiges. Les rumeurs disent qu'elle pouvait être trompeuse... mais il est vrai qu'avec son pelage blanc neige et ses yeux bleus océan, elle était belle.
Je me ressaisi d'un coup.

Non, je suis guérisseur !

***

Il devait être bientôt midi. Quelqu'un entra dans ma tanière pendant que je triai les plantes. Je me retournai sans voir le guerrier, mais, bizarrement, cette fois cela me dérangeait pas. Peut-être parce qu'aujourd'hui j'étais de bonne humeur. Je n'avais pas remis en place la plante que j'avais soulevé que j'entendis une guerrière, précisément Reine des Neiges.

«Bonjour Pelage Étoilé. Je me suis tordu la patte en poursuivant un lapin... Pourrais-tu voir, s'il te plaît, si tu peux me soigner ?»

Elle avait sûrement fait exprès de prendre une voix charmante. Mais je ne tomberai pas dans son piège, du moins, je l'espérais.
Je m'approchai de la chatte blanche. Effectivement, elle s'était fait une entorse à la patte. Sans un mot, je repartis vers ma réserve pour aller chercher des toiles d'araignées pour lui bander la patte. Je revins vers elle juste après. Je la regardais, posa les toiles d'araignées et me mit au boulot.

«Oui, je peux te soigner, mais essaies de ne pas bouger et de me laisser faire. Tu ne vas rien sentir, je vais juste appliquer le toiles d'araignées autour de ta patte.»

Sans un mot, il alla prendre des toiles d'araignée. Il avait jeté un bref regard à ma patte, sans tomber dans mon premier piège. Mais je lui en avait prévu plusieurs. C'était un guérisseur, je savais à quoi m'attendre. Il ne ferait pas attention à mes paroles. C'est pourquoi il fallait y aller... Direct. Il revint alors vers moi.

« Oui, je peux te soigner, mais essaies de ne pas bouger et de me laisser faire. Tu ne vas rien sentir, je vais juste appliquer le toiles d'araignées autour de ta patte. »

Il commença à me bander la patte, mais je sentais bien qu'il était distant... Ah, les rumeurs me mettaient des bâtons pour atteindre mon but... Je ne savais pas si c'était aussi dure pour les mâles quand ils jouaient à ce petit jeu eux aussi... Je réfléchis un instant à ce que je pourrais dire... Soudain, j’eus une idée. C'était osé, mais tant pis. Je m'étais fixé un objectif, et je l'atteindrai.

« Tu soignes tellement bien que je suis sûr de ne plus avoir mal dès demain. »

Et encore, j'aurais pu dire pire, plus gênant quoi. Mais, comme on dit, le meilleur pour la fin.