C'était le matin. La lueur de l'Aube filtrait à travers les branchages de la pouponnière et quelques morceaux de ciel coloré de rose, jaune et orange apparaissait en enlevant le sombre décor apporté par la nuit. C'était les heures préférées de Fleur d'Oranger, tout simplement parce qu'il faisait encore un peu frais. Dans quelques heures, le soleil taperait dur sur tous les chats du clan du Volcan. Le début de la matinée était le moment où il y avait un peu de lumière et très peu de chaleur. Car ici, la chaleur, ne partait pas avant la nuit et l'eau la plus proche se trouvait à l'oasis, ce qui était assez loin, surtout pour une personne qui n'avait pas le droit de sortir vraiment du camp.

Fleur d'Oranger se réveilla dans sa litière, fraîche car changée le jour d'avant, et regarda autour d'elle. Elle était dans la pouponnière, comme d'habitude maintenant. Elle fut rassurée de voir son ventre assez rond. Et si jamais après une nuit, son ventre redevenait normal pour une raison inconnue ? Elle ne voulait surtout pas reperdre ses petits à nouveau, alors la guerrière était anxieuse. Très anxieuse. Elle avait tout le temps peur, peur de voir que ses petits ne survivraient pas. Une fois certaine, après avoir senti des petits coups dans son ventre, elle put souffler un peu. Tout allait bien, tout allait bien.

Elle essaya de se rendormir. Elle était fatiguée, comme si elle venait de passer la nuit dehors. Mais malgré toute la fatigue qui étant en elle, elle ne réussit pas à s'endormir. Elle se tourna plusieurs fois dans sa litière, bailla plusieurs fois, mais elle n'arrivait pas. Elle décida donc de se lever. Un peu pataude, elle réussit néanmoins à sortir de la pouponnière. Une petite brise la frappa en plein visage lorsque son visage dépassa la pouponnière. Elle sortit dehors. Il n'y avait personne, mais vraiment pas un chat. La patrouille de l'Aube était peut-être partie, mais en tout cas, maintenant, le camp était aussi désert que l'océan.

Elle se dirigea vers une tanière, tanière qu'elle connaissait très bien. Celle du chef. Celle d’Étoile de Magellan. Celle de son compagnon. Elle y entra silencieusement. Elle vit tout de suite la silhouette aussi blanche que les nuages de son compagnon. Souriant dans l'obscurité, elle s'approcha, toujours aussi discrètement. Elle s'installa auprès d’Étoile de Magellan et miaula doucement en se serrant contre lui :

« Bonjour. »

Étoile de Magellan s’était endormi la veille au soir, très tard, bien après que le soleil se soit couché. Comme le soleil tapait beaucoup trop dans la journée, chasser pendant ces heures n’était pas vraiment la bonne option. La plupart de ses camarades faisaient de même d’ailleurs : quelques uns patrouillaient de jour –parce qu’ils n’avaient pas d’autres choix-, et les autres patrouillaient et chassaient la nuit. La bonne nouvelle quand on faisait cela, c’est que l’on tombait souvent sur des petits animaux qui allaient boire ou se nourrir –toute l’île semblait avoir adopté ce mode de vie à présent.
Dans l’antre du chef, le matou blanc profitait d’un peu de repos, et surtout, de fraicheur. Enfin, tout cela était relatif, mais par rapport à la journée, pouvoir dormir au frais était une vraie bénédiction. Etoile de Magellan dormait profondément, sa respiration était lente et régulière, rien n’aurait pu le retirer de son sommeil.

Sans que le meneur ne s’en rende compte, un félin pénétra dans l’antre d’un pas léger. Une belle féline blanche et rousse, dont les beaux yeux verts brillaient dans l’obscurité, ravie à l’idée de retrouver son compagnon. Son ventre rebondi indiquait qu’elle attendait des chatons, ceux d’Etoile de Magellan. Inconsciemment, le mâle blanc remua dans sa litière, comme si la douce odeur de Fleur d’Oranger l’avait fait réagir.
La reine s’avança vers le matou et vint se blottir contre lui. Un puissant ronronnement retentit dans la tanière, et deux yeux bleu clair illuminèrent doucement dans la pénombre. Fleur d’Oranger miaula doucement :
Bonjour.

Sans rien dire, Etoile de Magellan bougea de manière à ce que leurs têtes se touchent presque. D’un voix imperceptible, si basse et ténue qu’il aurait été impossible de l’entendre si l’on n’était pas la femelle bicolore, il émit le son :
 Chut…

Il referma ses yeux en enfouissant son museau dans le cou de sa compagne. La respiration de la reine le rendormait déjà mais il faisait de son mieux pour ne pas resombrer dans le sommeil. Il prit une grande inspiration de la senteur de la femelle. Il l’aimait profondément, ce silence –ronronnements mis à part- était parfait, et Etoile de Magellan aurait donné n’importe quoi pour que cet instant dure pour l’éternité.
Il se serra encore plus près d’elle, comme un chaton ne voulant pas être séparé de sa mère. Jamais.

Fleur d'Oranger était allongée, blottit contre celui qu'elle aimait, les yeux fermés. Même si elle s'était privée de la vision, elle imaginait sans peine le magnifique pelage immaculé d’Étoile de Magellan, blanc comme les jolis nuages qui volaient dans le ciel. Elle avait également, en entrant dans cette tanière qui lui était familière, croiser le regard azur du matou, dont elle aimait se fondre dedans. C'était peut-être la première chose qu'elle avait aperçu chez lui, ses magnifiques yeux semblables à des saphirs. Maintenant, elle était sure qu'ils étaient refermés comme les siens. Pour profiter de cette matinée qui semblait aussi douce que une petite brise.

Elle l'aimait. Si elle savait au moins une chose, c'était cette affirmation. Depuis des lunes et des saisons, seul ce chat faisait battre son cœur. Seul lui, depuis leur rencontre. Elle sourit en se remémorant cette scène, puis toutes les autres où Étoile de Magellan avait fait parti de sa vie. Elle ne regrettait jamais cette rencontre, et même toute la suite, même si tout n'avait pas forcement été facile. Mais maintenant, elle était heureuse. Elle vivait avec lui - et le voir sans se cacher -, elle portait ses chatons, pour la seconde fois en espérant pouvoir les élever correctement. Bon, il y avait juste le problème que tout le monde ne l'aimait pas, mais généralement, on l'embêtait pas trop non plus pour ne pas avoir affaire Étoile de Magellan.

«  Chut… »

Elle sourit en se serrant plus fort contre lui. Ces moments-là étaient les plus précieux à ses yeux. Être avec Étoile de Magellan. Pouvoir partager sa vie avec celui qu'elle aimait depuis tellement de temps. Tout aurait aussi été plus simple si elle était née dans le clan du Volcan. Mais maintenant, elle pouvait être presque tout le temps avec lui, sauf quand ses devoirs de chef devenaient trop important. Et elle se sentait bien là, en ce moment. Apaisée de certaines craintes. Sereine, souriante. Cette magie s'opérait lorsqu'elle se trouvait avec lui. Elle sentit soudain un petit coup dans son ventre. Ses chatons, et ceux d’Étoile de Magellan.

C'était la deuxième fois qu'elle allait mettre bas à des chatons. Deuxième fois, deuxième chance. Elle avait peur de les reperdre – cela ne s'oublierait pas facilement – mais elle était contente de pouvoir avoir la chance d'en élever un jour. Peut-être cette fois-là ? Elle espérait que cette fois là, le clan des Étoiles lui aide à garder en vie ses futurs chatons. Elle ne pourrait tout simplement pas supporter de les reperdre un jour. Elle ne le pouvait pas. Elle avait besoin de voir ses chatons, à moitié elle, à moitié Étoile de Magellan, en vie et de s'en occuper. Elle supposait que ça devait être pareil pour son compagnon. Il avait autant pleurer la mort des deux chatons que elle.

Elle laissa le silence s'installa, profitant de ce moment. Elle ne savait pas combien de secondes s'étaient écoulées mais elle s'en fichait. Tout moment qu'elle passait avec Étoile de Magellan était précieux. Elle ouvrit un peu les yeux, le dévisageant avec amour avec ses yeux émeraudes et regarda son ventre arrondi. Combien de petits chatons allait-elle mettre au monde ? Comment seront-ils ? Auront-ils ses yeux ? Ou ceux de son compagnon ? Elle avait hatte de les voir mais avait également peur de ce moment. Pourvu qu'il survivent … Elle s'imaginait déjà, avec eux, dans la pouponnière en train de jouer avec eux. Elle miaula :

« Je pense qu'ils arriveront bientôt. Notre guérisseur a dit qu'il y en avait au moins deux. Je me demande comment ils seront, s'ils nous ressembleront. »