Il était très tard. Ou très tôt, tout dépend de l’angle de vue. Une tête blanche passa à travers l’ouverture de la tanière des apprentis. Il était très tôt. En fait, ce n’était pas la lune ne commençait pas à monter, mais à descendre : bientôt il ferait jour. Nuage de Magellan s’extirpa en silence de l’antre où tous ses compagnons apprentis dormaient tous encore comme des souches. De toute façon, lui, n’avait jamais eu l’habitude de dormir jusqu’à midi. Et puis la veille, il n’avait rien fait d’incroyable et d’exténuant, donc c’était normal qu’il soit debout avant le lever du soleil.
Et qu’y a t’il d’intéressant à faire lorsque tout le monde dort, en pleine nuit ? Vous l’avez vu venir de loin, pas vrai ? Nuage de Magellan vérifia rapidement que tout le monde était bien endormi, et que personne ne l’avait vu et il sortit du camp en veillant à éviter le matou qui montait la garde à l’entrée. L’apprenti attendit d’être suffisamment éloigné du camp pour commencer à courir aussi vite qu’il le pouvait. Il aimait énormément faire ça : ça lui faisait du bien. Et puis la nuit lui semblait protectrice et …. Complice ? Oui, des fois il pensait des choses bizarres. Cette pensée le fit sourire.
Il se dirigeait à vive allure vers le sommet du Cratère, là où on avait une vue imprenable sur toute l’île. C’était dans ces moments là que Nuage de Magellan était tout content de faire partie du clan du Volcan. Grâce à cela, il pouvait aller dans les endroits les plus beaux et impressionnants de la région, sans avoir à enfreindre de règles ! Parce qu’il était conscient que d’autres jolis endroits dans l’île, comme les plages de sable fin du clan du même nom, même si le clan des étoiles savait qu’il détestait l’eau. Mais il fallait avouer que c’était un beau paysage. Ajouté à l’adrénaline que procurait l’irrespect des frontières, c’était parfait.
 
Nuage de Magellan, grâce à ses pattes arrière musclées, continuait son ascension sans trop de mal, mais c’est un cri à l’aide qui l’interpella :
-Il y a quelqu'un ? Je vous en supplie ...
 
L’apprenti blanc –dont la fourrure tournait doucement au brun, mais nous ferons comme si nous n’avions rien vu-, tourna la tête et partit à la recherche de la voix féminine qui l’appelait. Son côté gentleman ne pouvait pas s’en empêcher… Mais plus il s’approchait de la voix qui appelait, plus il sentait une odeur en plus de celle de son clan : une odeur fraiche, aquatique et… salée ? Le clan de la Plage. Apparemment, Nuage de Magellan n’était pas le seul à se promener partout de nuit.
Bientôt, il vit la femelle –qui se trouvait être une apprentie-, qui s’était arrêtée de crier en voyant la silhouette blanche approcher. C’était visiblement une apprentie, de l’âge du matou du Volcan. Elle était coincée sous un mini éboulement qui lui avait emprisonné les pattes arrière. Alors que Nuage de Magellan trottinait vers la jolie chatte rousse, il se rappela ce que les anciens et la plupart des guerriers disaient tout le temps sur cet endroit : on pouvait s’y casser une patte en moins de deux. Visiblement, ils avaient raison mais le jeune matou était loin de les écouter et de rester gentiment au camp.
  -Oh ! Est-ce que ça va ? *pause* Attends, je vais t’aider ! …
 
Nuage de Magellan était arrivé à sa hauteur, et commençait à déblayer les rochers et le gravier accumulés sur la chatte de la Plage. Après quelques minutes de travail, le matou aida la femelle à se relever et déclara, plus gentleman que jamais :
  -J’espère que tu t’es pas fait trop mal…. T’es sûre que ça va ?

L’inconnue semblait, évidemment, fatiguée et essoufflée d’avoir lutté tout ce temps, même si Nuage de Magellan ignorait depuis combien de temps elle était piégée là. Il s’assit à côté d’elle et la regarda dans les yeux, ses yeux d’une belle couleur bleu clair luisant dans la pénombre. La jolie minette répondit, comme si c’était les seuls mots qu’elle était capable de prononcer :
-Merci, je pense que ça devrait aller.
 
Nuage de Magellan lui offrit son plus beau sourire : plus charmeur que jamais. À vrai dire, il aimerait bien qu’elle ne reparte pas tout de suite chez elle en courant et qu’elle reste encore ici un peu, même si son bon sens devrait lui dicter de partout tout de suite. C’est ce qui serait la chose logique à faire. Le grand matou s’attendait à la voir détaler dès qu’elle aurait repris son souffle. Mais non, elle lui rendit son sourire et continua, soudain enjouée, comme si la méfiance qu’elle semblait ressentir jusque là avait disparu :
-Tu t'appelles comment ? Moi, c'est Nuage d'Oranger !
 
Nuage de Magellan sourit de plus belle : il sentait qu’il allait passer un bon moment, parce que son « opération charisme » avait fonctionné et que la dénommée Nuage d’Oranger semblait être en confiance. Tant mieux, parce qu’après tout, il ne lui voulait pas de mal. Il déclina donc son nom en se tournant vers, toujours tout sourire :
  -Moi c’est Nuage de Magellan ! Très heureux de te rencontrer !
 
Il la regarda pendant quelques instants : elle était un peu plus petite que lui, même si elle devait avoir presque le même âge. Son pelage était majoritairement blanc –un peu sali par la poussière, tout comme l’était celui de Magellan-, et était illuminé par des grosses tâches rousses foncées, qui pourtant, ne se voyaient qu’à peine dans l’obscurité. En revanche, ses beaux yeux verts scintillaient telles des étoiles. Elle était très belle cette Nuage d’Oranger. Ouais. Le matou blanc leva les yeux vers le ciel puis vers le haut du Cratère et continua :
  -D’aillleurs tu faisais quoi ici ? Tu voulais monter là-haut ? *en montrant le haut du Volcan de sa queue*
 
Il marque une pause et continua, en souriant, laissant dévoiler ses crocs d’un blanc éclatant :

  -Tu veux que je t’y amène ?

Nuage d’Oranger semblait bouche bée de ce qui venait de lui arriver. Nuage de Magellan sourit encore un peu plus. Elle semblait gênée, mal à l’aise et inconfortable, et ça, ça dérangeait l’apprenti du Volcan. Il ne voulait pas qu’elle soit mal en sa compagnie, il voulait qu’elle se sente comme elle le serait avec un ami.  Et puis…. Elle avait l’air gentille, et Nuage de Magellan sentait qu’elle était comme lui, qu’elle aimait se promener partout et nulle part. Pourquoi ne parlait-elle pas ? Pourquoi ne voulait-elle pas le regarder en face ? Elle pourrait rentrer chez elle immédiatement si elle était si mal que ça, ici, même si Nuage de Magellan ne voulait pas. Mais contre toute attente, la jolie chatte bicolore répondit, simplement et timidement :
-Oui, ça serait super si ça te dérange pas !
 
Ça ne se voyait peut-être pas, mais le matou était très content de cette réponse. Et le regard mélangeant émerveillement et excitation de Nuage d’Oranger le rendait encore plus heureux d’avoir fait cette proposition. Il se leva alors, tout excité, et fit signe à sa nouvelle amie de la suivre, en déclarant d’une voix qui laissait transparaitre sa bonne humeur, un sourire encore plus énorme qu’avant :
-Génial ! Suis-moi ! Fais juste attention, et dis-moi si je vais trop vite, hein !
 
Nuage de Magellan commença à trottiner sur le flan du cratère, faisant tomber des petits cailloux et de la terre sur son passage. Mais il se dit qu’il devrait peut-être ralentir un peu pour ne pas laisser la rouquine trop derrière lui. Il avait oublié que lui avait l’habitude de cet environnement et que l’apprentie de la Plage n’avait pas les coussinets et les pattes habitués au sol dur et irrégulier du clan où elle se trouvait. Très souvent, Nuage de Magellan se retournait vers elle pour voir comment elle s’en sortait et l’encourageait, ne souhaitant pas qu’elle tombe de nouveau et se fasse mal. Avait-il eut tord de la faire venir ici ? Les plus âgés du clan du Volcan disaient sans cesse que même un guerrier expérimenté n’était jamais à l’abri du risque de se casser un membre, alors qu’en était-il d’une apprentie qui venait ici pour la première fois ? Le matou blanc –dont la fourrure virait lentement au brun-gris-, se sentait mal à l’aise. Il avait peur qu’elle se fasse mal, elle risquait quand même de se tordre une patte. C’est pour ça qu’il ralentit la cadence et se mit à marcher à la même vitesse que Nuage d’Oranger pour avancer contre elle, veillant à ce qu’elle aille bien.
Nuage de Magellan avait décidé d’avancer vers le haut du cratère en prenant un chemin diagonal qui s’éloignait du camp –après tout, il ne tenait pas à être vu par une patrouille de son clan. Mais plus ça allait, plus il se disait qu’il n’aurait peut-être pas du prendre un tel « rallongement ». Mais il se persuadait que le lieu où elle l’amenait était magnifique alors il continuait de l’encourager par sa présence et ses paroles et bientôt, ils arrivèrent. Des fois, elle perdait l’équilibre, mais ils étaient tous les deux en bonne santé, quoiqu’essoufflés. Il miaula, fier d’elle :
  -Bravo ! Tu t’en es bien sortie !
 
Il lui sourit et se dirigea vers le bord du cratère et lui montrer le reste de l’Île qu’on voyait d’ici. C’était magnifique. Nuage de Magellan, qui, pourtant, venait ici assez souvent, ne s’en lassait jamais. On voyait le Lac central avec les trois galets, l’Oasis du clan du Volcan un peu plus loin, les forêts du clan de la Jungle et, tout au fond, les plages du clan de Nuage d’Oranger. Le matou blanc ignorait si on voyait le camp de la Plage d’ici, mais la rouquine devait certainement le savoir, elle. Il continua :
  -Tadam…. *pause* J’adore venir ici, c’est…. Calme, je trouve.
 
Il se tourna vers son amie et continua, en souriant :

  -Tu vois, tout là-bas ? *pause* C’est chez toi, ça, non ? *sourire*

Les deux apprentis se tinrent l’un à côté de l’autre, immobiles, leurs yeux se promenant sur la vue imprenable qu’on avait du haut du Volcan. Magellan sentait la fourrure de la jolie chatte à côté de lui frôler la sienne. Il sentait la chaleur et la joie qui émanait d’elle. Le chat se surprit à sourire de toutes ses dents, sans vraiment savoir pourquoi. Il était bien là, à côté de Nuage d’Oranger. Une minute s’écoula peut-être avant que la chatte ne réponde, comme après avoir longuement réfléchi :
-Oui, il y a le camp est près de la rivière quand elle fait un méandre faire la gauche avant de repartir tout droit jusqu'à la plage ... Mais un jour, je te montrerais tout ça !
 
 
Nuage de Magellan regarda au loin et remarqua ce que la chatte décrivait. Il sourit. Puis il réalisa la dernière phrase de l’apprentie. Il se tourna ensuite vers elle tout content, un sourire très large aux lèvres. Il regarda la jolie minette dans les yeux puis se fit une réflexion : qu’est-ce qu’il lui prenait ? Depuis quand le matou blanc était-il heureux qu’on l’invite sur le territoire ennemi ? D’habitude, il n’avait pas besoin d’autorisation et encore moins d’invitation pour se promener aux quatre coins de l’île. Nuage de Magellan remarqua aussi, certainement pour la première fois de son existence qu’il n’était pas –plus- en train de charmer cette demoiselle pour la fierté ou juste par plaisir : il se sentait réellement bien à côté d’elle. Et ce genre d’invitation le rendait tout chose. Et puis pourquoi il y a tous ces papillons dans son estomac ?!
  -Owi ! *pause+sourire gêné* Je veux dire… On reste là pour le moment, non ? C’est très….
 
Nuage de Magellan chercha ses mots pendant une seconde ou deux puis continua :
  -Très.. Agréable. *pause* Je…. J’aimerai beaucoup y aller avec… Avec toi.
 
Le grand matou se racla la gorge, pestant contre lui-même pour avoir l’air si peu sûr de lui. Il remua la queue en faisant fouetter involontairement l’air. Pas qu’il soit énervé – à part contre lui-même, c’est sûr-, c’était juste une habitude qu’il avait, de remuer la queue tout le temps, spécialement en période de stress ou de malaise.
Sans rien dire, et pour se calmer, il enroula calmement sa queue autour de ses pattes, teintées de gris foncé et de brun. Il calma sa respiration pendant une bonne minute, ferma les yeux. Il laissa même un ronronnement  s’échapper de sa gorge, en fut amusé et sourit de nouveau. Nuage de Magellan tourna son regard bleu vers Nuage d’Oranger et miaula d’une voix douce, et beaucoup plus maitrisée que précédemment :

  - Tu aimes cet endroit ?




(Voilà  Maintenant tu y réponds quand tu rentres et tu me préviens par SMS, c'est ça? ) 

La jolie chatte était tout sourire. Nuage de Magellan la regardait, fixement –ça pourrait presque faire peur-, regardait ses traits, son visage, ses jolis yeux verts. Lorsqu’elle se tourna subitement vers lui, il replongea son regard dans l’horizon, comme pour ne pas vouloir admettre qu’il était en train de la dévisager. Elle répondit, visiblement enjouée :
-Evidemment, c'est magnifique ! C'est amusant de voit mon clan d'ici !
 
Le matou blanc regarda ce qui semblait être un camp, très loin en aval. Il y voyait un genre d’endroit encerclé par des herbes, à côté de la plage, à même le sable. Nuage de Magellan prenait en horreur l’eau, en bon félin du clan du Volcan, réputé pour sa vie plutôt… sèche et aride. Il n’aimait pas l’eau, à part quand il s’agissait de la boire. Souvent, il se demandait comment des chats pouvaient nager sans problèmes. C’était tout bonnement contre-nature ! Nuage d’Oranger savait sûrement nager, elle. Il pourrait lui demander. Mais il s’abstenait. Il ne tenait pas à passer pour un abruti devant elle… Sans réellement savoir ce qui le rendait si réticent à poser des questions… D’habitude, il ne se gênait pas pour ça.
-Ta patrouille va forcément commencer à partir, il faut pas qu'il me trouve, surtout avec toi. Je dois partir. J'ai passé un super moment avec toi, je propose qu'on se refasse un moment aussi superbe. Avant l'aube, dans quatre jours à la frontière ?
 
Elle le fit presque sursauter. Il tourna vers l’apprenti bicolore des yeux un peu tristes et déçus : il ne voulait pas qu’elle parte ! Ils passaient un si bon moment ! En plus, ils étaient ensemble depuis si peu de temps ! Ca ne pouvait pas déjà se finir. Pourtant, et à contrecœur, Nuage de Magellan comprit qu’elle avait raison. Il baissa la tête et regarda ses pattes salies de poussière. Il se redressa immédiatement, ses yeux bleus luisant d’étincelles de joie, lorsqu’il réalisa qu’elle lui proposait un autre rendez-vous.
  -Bien sûr ! J’ai… Tellement hâte de te revoir !
 
Ils se sourirent, puis la belle féline s’en alla, par le même passage qu’ils venaient d’emprunter.  Il suivit sa progression du regard, de peur qu’elle ne s’ensevelisse de nouveau ou qu’elle ne tombe. Elle descendit sans heurts puis il la regarda rejoindre son camp. Beaucoup de temps s’était passé avant que Nuage de Magellan ne se lève et ne retourne chez lui. Il était impatient. « Dans quatre jours, à la frontière ».

RP TERMINE :D